mardi 22 mars 2011

La puissance d'un blogue

Cette semaine, j'ai lu une chronique sur le blogue que je voudrais vous partager.
Le blogue qui tue est une chronique de André Marois qui résume bien la puissance d'un blogue mais aussi ses inconvénients.

"André Marois, rédacteur publicitaire et auteur, aborde le pouvoir que peut procurer un blogue à son auteur et les inconvénients qui peuvent s'en suivre.

"Jérémie Norton n'attendait aucun colis, mais le nom sur le paquet était bien le sien, et c'était gratuit. Il remercia le coursier et ouvrit la boîte. À l'intérieur, quatre livres neufs: les prochains polars publiés par les éditions Patate Chaude. Jérémie sourit comme un enfant devant un iPad. C'était la première fois qu'un éditeur lui adressait un service de presse. Il prit cela comme une reconnaissance.
Depuis un an, Jérémie tenait le blogue "Plus noir, tu meurs", où il critiquait des romans policiers. Les commentaires s'additionnaient par dizaines en bas de chacun de ses billets. Jérémie n'avait aucune formation en journalisme, ni en littérature, mais il avait lu tout ce qui s'était publié dans le genre policier depuis 20 ans. Il maîtrisait bien son sujet, écrivait avec sincérité et dépassait les simples résumés insipides pour offrir des textes touchants.
Très vite, le compteur des fréquentations avait affiché une courbe ascendante pour atteindre un plateau de 1000 lecteurs par jour.
Le blogueur se demanda comment Patate Chaude avait obtenu son adresse Pourquoi ne pas l'avoir averti de cet envoi? Mais comme n'importe quel amateur de littérature, il était ravi de recevoir ainsi des bouquins gratuits. Il n'avait qu'à continuer comme avant, en ne parlant que de ce qu'il aimait.
Sur le chemin du restaurant où il travaillait, Jérémie fit une halte dans la grande librairie du coin. Il demanda au type qui officiait au rayon des polars si son blogue avait une quelconque incidence sur les ventes.
- Énorme. Quand "Plus noir, tu meurs" parle d'un thriller, sa durée de vie sur le cube à l'entrée est prolongée de six mois.

Jérémie rumina ce chiffre effrayant. Jamais il n'aurait imaginé détenir un tel pouvoir.
Une heure plus tard, le client devant lequel il déposa un hamburger le salua par son prénom.

 L'homme se présenta:
- Franck Gaillard, l'éditeur de Patate Chaude. Aurais-tu cinq minutes pour qu'on se parle?
Franck expliqua alors à Jérémie que Patate Chaude était au bord de la faillite. Les quatre livres envoyés risquaient d'être les derniers si leurs ventes n'affichaient pas des records. Et le blogue "Plus noir, tu meurs" était une clé pour ce succès. Jérémie devait soutenir Patate Chaude. L'éditeur repartit en laissant 100$ de pourboire. Le blogueur empocha le billet brun en pensant aux milliers de dollars qu'il avait laissés dans les caisses des librairies depuis sa jeunesse.
Il n'en revenait pas: voilà qu'on le soumettait à un chantage moral. Il n'avait pas envie de se sentir coupable de la mort d'une petite maison d'édition, mais il ne voulait pas non plus se voir imposer ses choix. Jérémie tenait son blogue par plaisir et passion, en toute liberté.
Le soir venu, Jérémie ouvrit le premier volume des éditions Patate Chaude: une sinistre bouse mal écrite. Il passa la nuit sur les trois autres titres. Aucun ne réchappait à la débâcle littéraire: intrigues mal ficelées, erreurs historiques, coquilles en surnombre, style affligeant. En d'autres circonstances, Jérémie se serait abstenu de parler de ces bouquins, mais le texto reçu à l'aube acheva de le convaincre. "As-tu aimé mon tip?" devenait du harcèlement. "Plus noir, tu meurs" n'était pas à vendre. Il rédigea un long billet dans lequel il torpillait avec minutie les quatre livres de Patate Chaude. Lorsqu'il cliqua sur la touche "Publier", il savait qu'il enfonçait en même temps le bouton faillite de l'éditeur.
S'il ne l'avait pas fait, c'est son propre blogue qui aurait perdu toute crédibilité."


La chronique est tirée de Infopresse.

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